Serge Delaive

En rade

Extraits

Complainte des limbes

Je ne suis plus là
seule mon ombre s'attarde
sous la brume druidique
qui recouvre la ville
à l'intérieur de mon crâne

Je ne suis plus là
mon corps immobile
avance dans l'attente
de mon frère de mes sœurs
de ma mère de mes enfants

Je marche et j'attends
à l'entrée du cimetière
mangée par les lierres
Elle, je ne l'ai pas retenue
mon manteau contre sa peau
elle s'est sans doute retournée
comme mon ombre nue
la regardait s'éloigner

Ceux que j'attends
pendant que je marche
en dehors de mon corps
non loin de mon ombre
ceux- là que j'attends
ne viendront plus

Je fredonne une chanson
à l'intérieur de mon crâne
une chanson qui dit
seules nos ombres demeurent
après que nous soyons partis.
 
Qui perd gagne

Elle laisse un message
sur le répondeur
elle laisse un message
juste après le signal sonore
elle triche avec nos rendez-vous
c'est bien sa voix
mais je le devine à ses inflexions
elle déguise son regard
elle baisse les paupières
c'est bien sa voix
mais il m'est impossible
de deviner ce que cache
cette voix qui dit
viens plutôt plus tard
ici il fait pluvieux
d'un jour ou deux.

_{Poèmes © Décharge/Gros Textes et Serge Delaive}

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Presse

« Je pense que Jules Supervielle aurait beaucoup apprécié ces poèmes de Serge Delaive souvent teintés de toutes sortes d'humours. Du plus acerbe au plus tendre. A la recherche de sa propre vérité, voici un poète qui ne craint pas de célébrer la présent qui bouge, le passé qui le nourrit. En toute merveilleuse lucidité.»
Extrait de la préface par Jacques Izoard.

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En rade, poèmes, Décharge/Gros textes, coll. Polder n°129, Toucy/Châteauroux-les-Alpes, 2006, avec une préface de Jacques Izoard.